Entretien 1 à 1 avec electronic (Navi CS:GO)

Dernière mise à jour: 8.1.2024
14 minutes lues

Denis Sharipov, également connu sous le nom d'electronic, est un vétéran sur la scène compétitive de CS:GO. Après ses premiers tournois dans sa ville natale de Kazan à l'âge de 11 ans, il a joué pour plusieurs équipes eSports avant de rejoindre NAVI en 2017. electronic est en permanence classé parmi les dix meilleurs joueurs de CS:GO dans le monde.

Regardez la vidéo ou continuez pour l'intégralité de la transcription de l'interview ci-dessous !

Bonjour à tous. Nous sommes ravis que vous puissiez nous rejoindre car, aujourd'hui, nous nous entretenons avec electronic, et nous n'allons sûrement pas manquer de sujets de conversation. C'est parti !

Comment la passion des jeux vidéo t'est-elle venue ?

Eh bien, quand j'étais petit, j'allais au jardin d'enfants... Mes parents travaillaient, donc c'était mon frère qui devait venir me récupérer là-bas. Un jour, il est venu me chercher et m'a emmené dans un club d'informatique. J'avais environ cinq ans à l'époque, peut-être même quatre ans et demi. Et c'est comme ça que je me suis mis aux jeux vidéo.

Quand tu avais, disons, environ dix ans et que tu jouais déjà à des jeux depuis longtemps, est-ce qu'il y a eu un moment où tu t'es dis « ce serait cool si je pouvais en vivre » ?

Je pense que j'ai commencé à y penser quand j'ai eu onze ou douze ans, probablement pas avant. Je veux dire qu'avant ça, je jouais juste sans réaliser qu'à l'avenir ça pourrait être une profession qui me permettrait de gagner suffisamment pour en vivre.

Eh bien, à cette époque, on pouvait difficilement imaginer qu'une telle profession soit possible, pas vrai ? C'est seulement plus tard que ma vie a pris le tournant qu'elle a pris. Comment es-tu passé du niveau amateur à un niveau plus professionnel ?

Je jouais comme membre d'équipes locales de Kazan et puis, à un certain point, on a tenté de passer à un niveau semi-professionnel. Au final, on y est arrivés ; mais, à cette époque, j'avais déjà rejoint une équipe pro. Et j'ai donc commencé à jouer à un niveau professionnel, d'abord avec Empire.

Te souviens-tu du match le plus dur de ta carrière ?

Non. Non. Honnêtement, je ne m'en souviens pas.

Et pourquoi pas ? Parce qu'ils étaient tous difficiles, ou alors tous trop faciles ?

Il y a eu un match... lors du Minor, je jouais pour Rebels. On a joué plus de 70 parties contre Gambit sur une seule carte. Puis, sur la deuxième carte, le score était de 16:14, mais au final, on a perdu 2:0. C'était un match très difficile et après la première carte, j'ai commencé à saigner du nez suite à un surmenage.

C'est horrible !

Mais tout le monde a pensé que ce n'était pas un saignement de nez, mais...

OK, OK. Quel est le meilleur joueur avec lequel tu aies jamais joué ? Et par là, je veux dire quel est le meilleur joueur avec lequel tu ais joué dans la même équipe et le meilleur joueur contre lequel tu aies joué ?

Je suppose que le meilleur est Sanya [Aleksandr « s1mple » Kostyliev]. Et contre, le plus difficile.... Disons que c'était ZyWoo [Mathieu « ZyWoo » Herbaut]. C'est dur de jouer contre lui.

Quelle est la meilleure équipe contre laquelle tu aies jamais joué ? Je veux dire, ton adversaire le plus difficile.

Astralis. Oui, Astralis.

Et pourquoi ? Parce que tu...

Eh bien, ils ont commencé à utiliser une nouvelle méta ensemble, en tant qu'équipe. Ils ont commencé à utiliser des grenades et, à l'époque, il s'agissait d'une nouvelle méta. Aujourd'hui, c'est standard pour toutes les équipes, mais ils ont trouvé l'idée et j'ai assisté à ce moment, et je dois dire que... C'est un sentiment très désagréable quand vous commencez une partie et qu'après une grenade, il vous reste 30 HP. C'est très désagréable, c'est pourquoi je les choisis.

Est-ce que tu peux nous raconter un incident drôle ou bizarre de ta carrière dans l'eSport dont tu te souviens ?

Pour être honnête, il n'y a aucun exemple qui me vient à l'esprit.

Peut-être quelque chose pas particulièrement drôle, mais inattendu ? Par exemple, vous êtes arrivés à un tournoi et quelqu'un a volé votre équipement. Ce genre de choses est arrivé à d'autres joueurs lors de tournois.

Non, pour moi... Une fois, on a dormi dans un hôtel en Allemagne, je ne me souviens plus dans quelle ville ni de quel tournoi il s'agissait, mais quelqu'un a volé une de mes baskets dans ma chambre.

Juste une basket ?

Oui, et ils ont laissé la deuxième, un truc de ce genre. Je suis sûr qu'elle a été volée, car elle n'aurait pas pu disparaître de la chambre.

Clairement pas.

Donc c'est probablement la chose la plus étrange que me soit arrivée. Ça n'est pas vraiment lié à l'eSport, mais...

Eh bien, c'est lié à ta carrière puisque tu participais à un tournoi à ce moment-là. Donc oui, ça compte. Intéressant. On sait que beaucoup d'athlètes ont des rituels avant un match et que ce sont généralement des gens superstitieux. Est-ce que c'est ton cas ? As-tu des superstitions ou des rituels que tu suis avant les matchs officiels ?

Non.

Tu n'es pas une personne superstitieuse ?

Non, pas du tout. Et c'est comme ça que ça devrait être. Je suis réaliste.

OK, quel genre de régime d'entraînement est-ce que tu suis ?Est-ce que c'est juste une question de jouer à CS:GO pendant beaucoup d'heures par jour ou est-ce que c'est quelque chose de plus sophistiqué ?

Eh bien, je peux me connecter à DOTA et m'entraîner dessus. Un ou deux jeux tous les trois ou quatre jours.

Alors, tu te prépares pour une carrière sur DOTA ?

Non. Mais ça peut s'avérer utile, juste au cas où je devrais aider NAVI lors de l'International.

Tu ferais ça ?

Bien sûr.

Eh bien les amis, souvenez-vous de ça, juste au cas où. Mais en parlant de CS, est-ce que tu joues beaucoup et à quoi ressemble ton régime d'entraînement pour CS:GO ?

Ça dépend. Je veux dire qu'on s'entraîne beaucoup en tant qu'équipe. Mais si tu parles d'entraînement individuel, je peux jouer trois ou quatre parties de FACEIT dans la soirée, jouer à DM pendant une demi-heure, ou bien tuer deux mille robots. Mais en général, rien de spécial. Juste comme tout le monde.

Combien de temps passes-tu à travailler sur l'aspect mental du jeu en compétition ?

Je ne peux pas vraiment dire que je passe du temps là-dessus. Ça se passe, et c'est tout. Tu sais que tu as un match qui approche et ton corps se met dans cet état d'esprit par lui-même.

De quelle manière interviennent la nutrition et la condition physique, si c'est le cas ?

Eh bien, le jour d'un match, c'est important. Avant un match, je vais choisir ce que je vais manger...

Et il s'agit de quoi normalement ?

Ça dépend. J'essaie de ne pas manger quelque chose de lourd. Je peux opter pour un plat de pâtes végétarien, quelque chose sans viande. J'aime vraiment ce genre de trucs.

Passes-tu beaucoup de temps à travailler sur l'aspect tactique du jeu ? Peut-être que tu analyses ou que tu regardes des démos avant les matchs ?

Parfois, on reçoit des supports à partir des démos et on les regarde ensemble. Mais en général, il est très rare que j'aille regarder les démos et les analyser.

Qu'est-ce que tu préfères dans l'eSport ? Et qu'est-ce que tu changerais ?

Tout d'abord, je pense que je ferais revenir les LAN. Même si, au début, ils se dérouleraient sans spectateurs ; car c'est en quelque sorte cette énergie des LAN qui nous manque vraiment. Il y a eu un LAN Major récemment à Singapour et j'ai l'impression que personne n'en a vraiment fait cas. Je pense que les joueurs de DOTA, au moins, ont été heureux d'avoir une chance de jouer lors d'un LAN.

Peux-tu nous dire ce que tu préfères dans l'eSport, à part le jeu en lui-même ? Peut-être sa popularité, ou bien les abonnés, l'argent, tes coéquipiers ? Qu'est-ce qui te plaît le plus dans l'eSport en tant que profession ?

Les abonnés, je suppose.

Donc, au bout du compte, c'est la popularité, c'est bien ça ?

Eh bien... Je ne dirais pas popularité, c'est plus le fait que les gens aiment ce que nous faisons.

Donc, c'est le soutien des fans ?

Oui, c'est ça.

Cool. Quels sont tes objectifs pour cette année, à la fois en termes d'eSport et sur un plan plus personnel ? Peux-tu partager certains de ces projets avec nous ?

En termes d'eSport, on veut être en tête du classement, comme tout le monde. On fera tout ce qui est en notre pouvoir pour ça. On essaiera de faire de nouvelles choses qu'on n'a pas fait auparavant afin d'améliorer nos résultats et de redonner à NAVI sa gloire d'antan.

Ouais, et si on parle d'objectifs plus personnels ? Est-ce que tu as déjà pensé à ce que tu aurais fait si tu n'avais pas choisi l'eSport ? Ou peut-être ce que tu feras plus tard, après la fin de ta carrière professionnelle dans l'eSport ?

Eh bien, je pense que l'idée de devenir entraîneur par la suite me plaît bien. Si tout se passe comme prévu, j'aimerais devenir entraîneur.

Donc, une transition logique après ta carrière de joueur pro. Super. Bon, j'espère qu'on ne te verra pas dans la peau d'un entraîneur de sitôt et qu'on va toujours pouvoir te voir jouer. Quels aspects de ton jeu aimerais-tu changer ou améliorer ?

Je pense... J'aimerais définitivement améliorer mon tir, pour que je touche la cible plus souvent. Et... J'aimerais vivre moins de ces moments où tu t'enflammes pendant une partie. Quelque chose de ce genre.

Être plus pondéré ?

Oui, c'est ça.

Qu'en penses-tu : est-ce que tous les membres d'une équipe doivent être amis et bien s'entendre pour que l'équipe gagne ? Est-ce que la cohésion est importante pour gagner ?

Oui, j'en suis convaincu. J'aurai toujours ma propre opinion sur le sujet ; et même si je ne pense pas que les membres d'une équipe doivent être les meilleurs amis du monde, il doit y avoir une certaine proximité, si je puis dire. Je veux dire, pourquoi pas, c'est toujours bon pour l'équipe. Si c'est le cas, tu vois les gens sous un autre angle, tu sais quoi attendre d'eux, ce genre de truc.

Bien sûr. Et comment penses-tu que cette cohésion se manifeste dans une équipe ? Je veux dire en termes de jeu, pas de relations personnelles. Je sais qu'un nouveau joueur a rejoint votre équipe récemment. Donc, comment est-ce vous accueillez normalement vos nouveaux coéquipiers, et comment l'équipe apprend-elle à jouer ensemble avec un nouveau venu ?

Quand il nous a rejoint, on a commencé par lui expliquer toutes les stratégies qu'on a utilisées. On lui a donc expliqué les choses qu'on a ajoutées et ce qu'on a changé ou réparé, comment on a changé de position sur certaines cartes. Avant tout, on essaie d'aider le nouveau joueur.

Peux-tu nous dévoiler un fait surprenant te concernant que personne ne connaît ? Ou peut-être que tes fans ne connaissent pas.

Je n'ai aucune idée.

Je pense que tu sais exactement quoi répondre.

Non, je pensais juste à ce que je devrais dire, et je dirais que je n'ai rien de spécial à cacher sur moi.

Je suis d'accord, c'est très difficile de se souvenir d'emblée de quelque chose. Comment ta carrière de joueur pro t'a-t-elle changé en tant que personne ? Peut-être que tu as développé certains traits de personnalité que tu ne possédais pas avant ?

Et bien oui, j'ai visité de nombreux pays, découvert plein de nouvelles choses et j'ai fini par mieux comprendre comment les gens vivent dans d'autres pays, en général. Et j'ai essayé de conserver quelque chose de chacun d'entre eux.

Oui, plus vous voyez de choses, plus vous évoluez en tant que personne. C'est cool. Qu'est-ce qui a été le plus dur concernant la carrière et le mode de vie que tu as choisis ?

Je pense que c'est le fait de voyager et ne pas pouvoir voir ta famille à cause de ça.

Tu n'avais que 11 ans quand tu as commencé à participer aux compétitions de Counter-Strike. Comment se fait-il que tu aies commencé si tôt et quelles sont les difficultés que tu as rencontrées au début ?

Je me rendais souvent dans un club informatique du coin et j'y ai rencontré des gens. On a entendu dire qu'un genre de tournoi allait avoir lieu, pas pour de l'argent, mais pour...

Du matériel, pas vrai ?

Oui, du matériel. Peut-être une chaise de jeu ou un truc du genre.

Au moins, c'était une chaise de jeu et pas une chaise normale !

Oui, et le prix pour la 2ème place était le jeu The Witcher, qui venait tout juste de sortir à l'époque. Et on ne pouvait le trouver nulle part ailleurs, en tout cas pas à Kazan. On a donc décidé de se lancer et on a terminé à la 2ème place. Après ça, je suis allé à un autre tournoi, en fait dès le lendemain. C'était à Kazan, un tournoi non professionnel. On est entrés... Je ne me souviens plus de l'endroit exactement, mais on a plutôt bien joué.

Vous avez gagné un prix ?

On a perdu un match à cause d'une erreur.

Tu t'en souviens encore ?

Je m'en souviens comme si c'était hier : c'était la carte de_dust 2, je suis tombé de la passerelle directement sur le spawn des CT, dans une situation à 4 contre 3, et on a perdu cette partie et le match.

Tu n'as pas été expulsé de l'équipe après ça ?

Après ça, je n'ai littéralement participé à aucun tournoi pendant un an. Je suis passé à KZ—Kreedz—et j'ai commencé à sauter. Je n'ai probablement même pas joué en compétition pendant deux ans. Oui, je crois que c'était deux ans. Puis je suis revenu, et depuis, j'ai beaucoup joué.

En général, es-tu content d'avoir fait l'expérience de l'eSport si jeune ? Est-ce que ça a été utile plus tard dans ta carrière ?

Oui, j'ai vu plein de choses, en particulier quand je participais aux tournois locaux...

Ça peut être très chaud là-bas.

Oui, je ne vais pas parler ce qui s'y passait, mais je pense que ça a aidé dans une certaine mesure. En particulier pour ce qui est de l'interaction avec mes coéquipiers, parce que j'ai commencé à jouer dans une équipe quand j'avais 11 ans.

Est-ce que tu recommanderais aux jeunes joueurs amateurs, ou aux enfants qui envisagent une carrière de joueur professionnel sur Counter-Striker, de commencer si jeune ? Ou peut-être d'attendre qu'ils soient un peu plus âgés ?

Eh bien, s'ils le souhaitent, ils peuvent commencer aussi tôt que possible. De nos jours, c'est considéré comme un genre de sport. Il y a des centres de formation spéciaux qui s'ouvrent, dans lesquels on peut venir s'entraîner dès un très jeune âge. Vous y apprenez la psychologie et d'autres choses dont je n'avais aucune idée quand j'avais 11 ou 12 ans.

Qu'est-ce que tu recommanderais aux joueurs amateurs qui veulent faire carrière dans l'eSport ?

Tout d'abord, de se débarrasser de leur ego. De bien comprendre que CS n'est pas un jeu à un joueur, mais que c'est un jeu qui se joue à cinq, et de croire en eux.= S'ils font ça, ils y arriveront.

Avant de rejoindre NAVI, tu as joué dans plusieurs équipes différentes - tu avais pas mal d'expérience dans l'eSport. À ton avis, pourquoi des équipes se désintègrent en règle générale ? Pourquoi certaines personnes sont expulsées de leur équipe ? Y a-t-il des raisons courantes pour lesquelles certaines équipes ne survivent parfois pas longtemps ?

Quand on commence à jouer au niveau 3 dans la région CIS, je pense que tous les joueurs n'ont pas les compétences suffisantes pour progresser, pour mieux jouer à un niveau supérieur. Vous devez retirer ces joueurs et les remplacer par des nouveaux qui ont la volonté de se battre et de gagner, au moins à ce niveau. Et puis, bien sûr, vous continuez ensuite sur cette voie et vous finissez par être repéré et invité à rejoindre une équipe plus forte. C'est exactement ce qui s'est passé pour moi.

Quel a été le rôle des entraîneurs, des mentors ou peut-être même des leaders au sein même du jeu dans ta carrière ? Les gens qui guident quelqu'un, en général.

Avant NAVI, je n'avais pas d'entraîneur. Ce n'est qu'avec NAVI que j'ai découvert ce qu'était un entraîneur et le rôle qu'il jouait. Avec FlipSid3, tout reposait sur les épaules d'Andrey [Andrey « B1ad3 » Gorodenskiy] - il était un capitaine, un entraîneur, tout ce que vous voulez, il était responsable de tout. Andrey m'a beaucoup appris en termes de tactique, de stratégie ; il m'a appris à avoir une vue d'ensemble pour mieux comprendre les choses. En ce qui concerne Misha [Mykhailo « kane » Blagin], je pense que ce que j'aime chez lui, c'est qu'il sait comment croire en quelqu'un et comment lui faire croire en lui.

Comment motiver cette personne ?

Oui, c'est exactement ça. Chaque entraîneur est unique à sa manière. Mais encore une fois, j'avais déjà travaillé avec Andrey avec FlipSid3, et c'est généralement la même chose avec NAVI.

Tu connaissais déjà les méthodes d'Andrey.

Oui, c'est exactement ça. Je ne peux pas dire que l'une est meilleure que l'autre. Honnêtement, je pense qu'elles sont toutes les deux super, chacune à leur manière. C'est juste que beaucoup de gens sous-estiment Misha en tant qu'entraîneur, j'en suis convaincu.

Je suis tout à fait d'accord. Parfait, merci beaucoup pour tes réponses sincères.

Merci.

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